II Identifier pour l'entreprise les modalités juridiques de protection des actifs immatériels
A. La protection des sites Internet et des logiciels
C'est par la reconnaissance d'un droit d'auteur, outil de la propriété intellectuelle, que sont protégés les sites Internet et les logiciels.
Le créateur d'un site ou d'un logiciel acquiert, dès la création de ses œuvres immatérielles, un droit d'auteur, de manière automatique (c'est-à-dire sans avoir à réaliser de démarche particulière). Il est cependant conseillé d'obtenir la preuve de la date de la création, au moyen, par exemple, d'un enregistrement auprès de l'Agence pour la protection des programmes.
Le droit d'auteur confère au créateur du site Internet ou du logiciel deux types de prérogatives :
– il jouit également d'un droit moral qui lui permet à l’auteur de l’œuvre de faire reconnaître sa paternité sur sa création. Il peut décider de la divulguer ou non, de revendiquer que son nom soit indiqué lors de la présentation de son œuvre et de s’opposer à sa dénaturation.
– il bénéficie d'un droit patrimonial qui lui octroie le droit exclusif d'exploiter son œuvre, c'est-à-dire d'autoriser sa reproduction et sa représentation, contre rémunération (le créateur d'un logiciel peut, par exemple, concéder une licence d'exploitation) ;
Un site Internet peut être protégé par :
- Le nom de domaine :
dépôt à l’Afnic (Association française pour le nommage Internet en coopération) pour bénéficier de la règle du « premier arrivé premier servi ». Permet de se prévaloir d’une concurrence déloyale contre un concurrent ou un cyber-squatter. En déposant le nom de domaine comme une marque auprès de l’INPI, l’action en contrefaçon peut alors être exercée ; - La présentation du site :
les créations graphiques et plastiques d’un site internet peuvent faire l’objet d’un dépôt de dessins et modèles, auprès de l’INPI (Institut National de la Propriété Intellectuelle). Ce dépôt confère une protection valable 25 ans ; - Le logiciel et le contenu :
Textes et éventuelles bases de données sont protégés par le droit d’auteur et/ou le droit du producteur.
En cas de violation par un tiers du droit d'auteur, l'auteur peut agir en justice sur deux fondements :
– en premier lieu, il peut intenter une action en concurrence déloyale si la violation du droit d'auteur a conduit, de manière fautive, à détourner la clientèle de l'entreprise. La concurrence déloyale est sanctionnée sur le terrain de la responsabilité civile : elle permet à l'entreprise victime des actes litigieux d'obtenir, de la part du concurrent déloyal, le versement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi (baisse du chiffre d'affaires, déficit d'image...). L'entreprise victime peut également obtenir l'arrêt des pratiques constitutives de concurrence déloyale et la publication du jugement de condamnation ;
– en second lieu, l'auteur peut agir en contrefaçon contre le tiers qui a violé son droit d'auteur. Cette action permet, d'une part, de sanctionner pénalement le contrefacteur par des peines d'amende et d'emprisonnement. D'autre part, la victime peut également, sur le plan civil, obtenir des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé (manque à gagner, atteinte à l'image...). Le juge ordonne aussi la cessation des actes de contrefaçon et la destruction des produits contrefaits.
B. La protection des noms de domaine
Pour protéger son nom de domaine, qui assure sa visibilité sur Internet, l'entreprise doit le réserver auprès d'un bureau d'enregistrement (registrar) accrédité par l'Association française pour le nommage Internet en coopération (AFNIC).
Le choix du nom de domaine est libre. La règle du « premier arrivé, premier servi » s'applique : le nom de domaine est attribué au premier qui procède à sa réservation. Il est donc nécessaire de vérifier au préalable que le nom de domaine choisi est disponible. De plus, les juges sanctionnent le cybersquatting, qui consiste à réserver un nom de domaine évoquant ou reprenant une marque, un nom commercial ou un nom de famille, si cette pratique conduit à tirer profit ou à nuire à la notoriété d'une entreprise ou d'une personne physique.
En cas de violation du nom de domaine d'une entreprise, celle-ci peut agir sur le fondement de la concurrence déloyale pour obtenir la réparation du préjudice subi par l'octroi de dommages-intérêts. Cependant, le titulaire du nom de domaine ne peut pas agir en contrefaçon, la réservation du nom de domaine ne lui conférant pas un titre de propriété industrielle. Aussi, pour renforcer la protection de son nom de domaine, l'entreprise peut-elle également l'enregistrer comme marque auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) : elle bénéficie alors d'un monopole d'exploitation d'une durée de dix ans (renouvelable) et peut agir, en cas de violation par un tiers, sur le terrain de la contrefaçon.
C. La protection des bases de données
Dans une économie de l'information, les données de l'entreprise sont stratégiques. Les bases de données bénéficient ainsi d'une double protection.
L'architecture de la base – c'est-à-dire l'organisation, la structuration et le classement des données – est protégée par le droit d'auteur à condition qu'elle soit originale. Article L. 112-3 du CPI, le droit reconnaît la protection des dispositions du droit d’auteur aux personnes qui, « par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles ». Le créateur de la base de données est titulaire des droits moraux et patrimoniaux, et il peut agir sur les terrains de la concurrence déloyale et de la contrefaçon en cas de violation de son droit par un tiers.
Le contenu de la base de données, quant à lui, bénéficie d'une protection spécifique et adaptée par le droit : ce droit, dit « sui generis », permet au créateur de la base de faire sanctionner le pillage de son contenu par un tiers, afin de garantir la rentabilité des investissements qu'il a réalisés pour la créer et l'alimenter. Ainsi, tout tiers qui procéderait soit à l'extraction d'une partie substantielle de la base de données, soit à une extraction systématique et répétée, peut être sanctionné sur les fondements de la concurrence déloyale et de la contrefaçon.
D. La création d'actifs immatériels par les salariés
La question se pose de savoir à qui est reconnue la titularité des droits, et
donc la protection, quand l'actif immatériel a été créé
par un salarié de l'entreprise.
Un actif immatériel est propriété (droits patrimoniaux) de l’entreprise lorsque :
- Il a été créé par un ou plusieurs salariés dans l’exercice de leurs fonctions.
- Il a été créé par un ou plusieurs salariés d’après les instructions de leur employeur.
En principe, le droit d'auteur est reconnu à celui qui a créé l'œuvre (site Internet, base de données). Ainsi, même dans le cadre du contrat de travail, c'est le salarié qui a créé l'actif immatériel qui bénéficie du droit d'auteur. Il sera alors nécessaire, pour l'employeur, de procéder à l'acquisition des droits patrimoniaux, gratuitement ou contre rémunération. En revanche, les droits moraux ne peuvent pas être cédés par le salarié à l'entreprise.
Le Code de la propriété intellectuelle prévoit cependant une exception importante pour les logiciels créés par les salariés, pendant leur temps de travail et dans le cadre de la mission qui leur est confiée par leur employeur : dans ce cas, l'entreprise bénéficie de la dévolution automatique des droits patrimoniaux sur le logiciel. Le salarié demeure propriétaire du droit moral sur le logiciel.